mercredi 27 octobre 2010

CAMPAGNE FRANCAISE - FRAGMENTS thibaut cuisset

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Pendant que Raymond Depardon présente sa France à la BnF, Thibaut Cuisset, ancien résident de la Villa Médicis à Rome, expose ses fragments d'une campagne française à l'Institut de France dont il a reçu le prix de la photographie. Cette campagne est, elle aussi, photographiée frontalement à la chambre. Là s'arrêtent les comparaisons. L'Ardèche, la Haute-Loire, la Lozère, l'Aveyron, l'Aisne ont été photographiés ici de face entre mars et août 2010. Les perspectives y sont dégagées et les plans harmonieusement gérés grâce à des choix de points de vue judicieux. Ces paysages déserts et inertes sont présentés sous des ciels  presque blancs où les lumières froides chargées de brumes atmosphériques voilent pudiquement les choses. Contemplatif et descriptif, le regard de Thibaut Cuisset valorise les nuances des couleurs pâles en s'effaçant devant son sujet. C'est dans cet effacement presque total que se trouve l'audacieux parti-pris de l'auteur qui présente ainsi une sorte de page blanche au public, qui, livré à lui-même, doit trouver par ses propres moyens ce qu'il y a à voir dans ces vues qui lui sont présentées. Un jour en Ardèche dans un village enneigé, Thibaut Cuisset a vu un très joli rideau bleu turquoise et c'était très beau.

du 21 octobre au 17 novembre 2010, du mardi au dimanche de 11h à 18h fermé le 17 novembre, à l'Institut de France Académie des Beaux-Arts salle Comtesse de Caen, 27, quai Conti Paris VIe, M° Pont Neuf, entrée libre.

mardi 26 octobre 2010

VARIATIONS harry callahan

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Talent et éclectisme sont au menu de l'exposition d'Harry Callahan né en 1912 à Détroit, décédé en 1999 à Atlanta. Classique parmi les classiques, les oeuvres noir et blanc de Callahan  nous rincent l'oeil au sens propre et nous rappellent que la simplicité, l'épure voire un certain minimalisme proposent souvent le chemin le plus court vers l'émotion. Les sujets sont divers: photos de littoral à Cape Rode en 1973, nus de sa femme Eleanor plus tôt, passants dans les rues de Chicago en 1961... Harry Callahan a suivi son humeur, sautant d'un sujet à l'autre comme porté par le vent sans jamais chercher à construire un discours photographique qu'il a toujours fui. Il n'a jamais été un photographe concerné mais un miltant de la photographie qui avait la foi en son médium. Il a cependant pratiqué tout au long de sa carrière de façon compulsive une photographie cohérente et sans contrainte, expérimentale et ludique faite parfois de lumières grises et délicates ou d'ombres contrastées qui découpent l'espace, de compositions graphiques appuyées sur des cadrages frontaux et rigoureux où là encore tout repose sur la distance juste au sujet. A voir et à déguster.

du 7 septembre au 19 décembre 2010, du mardi au dimanche de 13h à 18h30, le samedi de 11h à 18h45 nocturne le mercredi jusqu'à 20h30, à la Fondation Henri Cartier-Bresson, 2 impasse Lebouis Paris XIVe M° Gaité, tél. 01.56.80.27.00 www.henricartierbresson.org , entrée 6€ (3€ tarif réduit) gratuit en nocturne.

mardi 12 octobre 2010

ANONYMES hare lawder baltz hernandez lockhart wall gilden rickard

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C'est toujours avec émotion et excitation que je découvre un nouveau lieu dédié à la photo à Paris, ici la photo documentaire. Le Bal, présidé par Raymond Depardon, au fond de l'impasse de la défense, à deux pas de la place Clichy, un ancien dancing d'avant guerre (certains disent dansoir), est beau. Elégant, moderne, blanc, tout à fait fonctionnel. Une réussite avec librairie et une agréable cafétéria qui donne sur le square d'en face.
Le Bal, donc, ouvre ses portes avec une exposition exigeante et audacieuse: ANOMYNES l'Amérique sans nom: photographie et cinéma. Au programme plusieurs auteurs plus ou moins connus, allant du très reconnu Jeff Wall au plus discret Doug Rickard. Tous ont en commun de s'être intéressés aux anomynes de la rue, au monsieur lambda américain. Là où des Français comme Ronis, Cartier-Bresson saisiraient avec romantisme à chaque coin de rue un instant magique voire décisif empreint d'humanisme, ces photographes américains fuient l'anecdotique pour mieux figer l'anodin de façon souvent frontale. Photos frontales, banales et pourtant pleines de charme et de pertinence comme leur référence commune: Walker Evans et sa photographie sociale. Zoom sur certains:
Lewis Baltz a photographié, frontalement donc, le New Industrial Parks de Near Irvine Californie. Ces tirages très fins proposent de magnifiques gris dans leurs cadres blancs.
Chauncey Hare, tel un anthropologue, a immortalisé entre 1968 et 1972 les employés de l'industrie pétrolière dans leurs décors familiers à grand coup de flash et ombre portée associée en prenant soin de ne pas flater ses sujets.
Anthony Hernandez découpe l'espace avec son grand angle dans une série Waiting, sitting, fishing and some automobiles réalisée entre 1978 et 1980.
Doug Rickard avec A new American Picture offre au public une collection de photographies aux couleurs saturées saisies entre 2008 et 2010 sur l'écran de son ordinateur provenant de Google Street View. Corps anonymes et visages floutés, cette Amérique nous apparait ainsi familière et étrange à la fois.


Du 18 septembre au 19 décembre 2010, du mercredi au samedi de 12h à 20h, le dimanche de 12h à 19h, nocturne le jeudi jusquà 22h, au Bal 6 impasse de la défense Paris XVIIIe, tél. 01.44.70.75.50 www.le-bal.fr M° Place Clichy, entrée 4€(tarif réduit 3€)

vendredi 1 octobre 2010

LA FRANCE de raymond depardon

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Avec sa chambre photographique (20x25cm) Raymond Depardon a sillonné pendant cinq ans, tel un topographe, une France qu’il qualifie d’intermédiaire, ni rurale, ni capitale. La France des sous-préfectures où les façades décrépies sont ripolinées couleur fuchsia, celle aussi des ronds-points éclairés de lumières délicates valorisant les matières. Cette France, qui l’a visiblement ému, est, selon lui, moderne, pleine de ressources et s’adapte plus rapidement que le reste du territoire parfois muséifié. Façon polie de présenter au public un attendrissant assemblage de bric et de broc où le présent recouvre sans scrupule un passé qui résiste. Le bar du Maracana, une boucherie-charcuterie ou les vestiges de la salle du Rex sont cadrés au cordeau, de façon frontale. Pas de recherche d’angle à Lodève (34). Tout le travail de l’artiste est dans la recherche de la juste distance au sujet qui détermine cadrage et composition. Comme souvent avec Raymond Depardon, on a l'impression qu'il n'est certes pas le premier à poser son regard sur son sujet mais mais on a le sentiment qu'il est bien le premier à l'avoir si bien vu. Ces 36 vues en très grands formats, qui dominent le visiteur, sont à voir sans délais.
Du 30 septembre 2010 au 9 janvier 2011, du mardi au samedi de 10h à 19h, le dimanche de 12h à 19h fermé lundi et  jours fériés, à la BnF françois-Mitterrand  quai François Mauriac Paris XIIIe, tél. 01.53.79.49.49 M° bibliothèque François Mitterrand, entrée : 7€ (5€ tarif réduit).

MOSCOU harry gruyaert

Coloriste d’exception depuis de nombreuses années, Harry Gruyaert de l’agence Magnum met ses qualités de plasticien au profit du documentaire photographique. Connu pour ses rivages, il présente à la galerie Philippe Chaume, après un premier voyage réalisé en 1969 en URSS, dix-huit images de Moscou prises en 1989 et 2009. Si en vingt ans la conversion de la société moscovite au capitalisme est patente, le goût des Russes pour les néons et les couleurs discos qui n’auraient jamais connu la lumière du jour semble immuable. L’exotisme et le décalage sont donc au rendez-vous. Les compositions sont sophistiquées et Harry Gruyaert déploie un large vocabulaire photographique où les reflets et les effets d’encadrements structurent le regard tout en le fourvoyant. Les passants traversant le cadre sont pris à la volée et quand l’individu se fige c’est pour mieux attendre on ne sait quoi comme cet homme chauve en costume cravate gris passe-muraille, debout, inerte, perdu face à sa propre image dans des toilettes publiques au carrelage bleu électrique.
Du 26 mars au 15 mai 2010, du mardi au samedi de 14h à 19h30 hors jours fériés, à la Galerie Philippe Chaume 9, rue de Marseille Paris Xe, tél. 01.42.39.12.60. http://www.galeriephilippechaume.com M° République, entrée libre.

PALM SPRINGS robert doisneau

On connaissait le Doisneau rétro n&b de nos  banlieues, voici celui futuriste en couleur de Palm Spring. A Palm Spring Californie USA, il fait toujours beau, le ciel est toujours bleu, le gazon des golfs toujours vert et les jours d'été sont sans fin. Doisneau visite ce rêve américain en 1960, oasis au milieu du désert pas encore rattrapée par une quelconque crise économique. Les hommes sont bien peignés, boivent des "drinks", les femmes ont la mise-en-plis laquée et font vivre au New Look de Dior sauce barbecue ses dernières heures dans une société de loisir. Rien ne dépasse dans ce paradis de piscines où la nature est domptée et jardinée. Les couleurs sont pures, pas de place au flou. Les fondamentaux de Doisneau sont présents: compositions géométriques dans un espace rythmé et graphique qui amuse l'œil dépaysé du maître avec peut-être un peu moins d'empathie que d'habitude pour cet univers de kitch que Martin Parr n'aurait pas renié. Doisneau Palm Spring couleur 1960: une découverte pour les curieux de la très sérieuse galerie Claude Bernard.
Du 1er avril au 1er juin 2010 du mardi au samedi de 9h30 à 12h30 et de 14h30 à 18h30 hors jours fériés, à la Galerie Claude Bernard 5/7, rue des beaux arts Paris VIe M° Saint-Germain-des-près tél. 01.43.26.97.07 entrée libre.

jeff wall

Poussez l’imposante porte cochère, traversez une première cours pour atterrir dans une seconde cours loin du tumulte parisien devant la galerie de Marian Goodman. Béton ciré au sol, grande hauteur sous plafond, murs blancs cliniques, le lieu vaut le détour en décalage avec la belle architecture patrimoniale de l’hôtel particulier qui l’accueille dans le Marais. Vous perdez déjà vos repères. Là, vous trouverez six photos, pas une de plus, du très rare et très côté Jeff Wall. Six photos très grand format, cinq couleurs, une noir et blanc. Laissez le malaise s’installer. Aux murs : la précarité aux Etats Unis. Un homme siphonne un réservoir de Chevrolet près d’une enfant en tee-shirt rouge, un autre porte au clou sa guitare, ailleurs un latinos lance des couteaux sur un mur. Les questions fusent dans votre tête. Pourquoi ? Comment en sont-ils arrivés là ? Que s’est-il passé avant ? C’est la force des œuvres de Jeff Wall. A l’aide de mises en scène à l’artificialité et à la banalité  totalement assumées où chaque détail est un indice vers une fausse piste, Jeff Wall crée en nous un abîme vertigineux où le faux veut nous documenter sur notre temps. Ce monde est presque le notre et il est effrayant de tranquillité. A mi-chemin entre la peinture et le cinéma, pour Jeff Wall il y a la photographie et son réalisme reconstitué. Oui, ici tout est reconstitution comme dans cette photo de scène de crime sans cadavre où interviennent les inspecteurs de police alors que le coupable a déjà fuit, rien n’est vrai malgré le réalisme revendiqué et les personnages jouent un rôle. Les photos de Jeff Wall nous disent que la mal est déjà fait et nous renvoient vers un passé définitivement révolu dont le présent n’est que la conséquence inéluctable. En fait aujourd’hui tout est joué. Pas facile à admettre mais à voir quelque soit ce que vous avez visité hier.
Du 13 mars au 24 avril du mardi au samedi de 11h à 19h hors jours fériés, à la Galerie Marian Goodman 79, rue du Temple Paris IIIe, 01.48.0470.52 M° Arts et Métiers www.mariangoodman.com, entrée libre.

NON ASSISTANCE A… diane grimonet

Depuis 1998, Diane Grimonet photographie avec ses tripes, parfois en couleur souvent en noir et blanc la misère dans l’hexagone. Français, étrangers, avec ou sans papier, avec ou sans toit, dans les squats ou les hôtels insalubres, dans les gymnases ou dans les centres de rétention, elle pointe son objectif vers la détresse, la fatigue, l’usure. Engagée, concernée, elle raconte humblement les errances de ceux qui survivent à la marge de la marge sous des lumières souvent sordides. Pas de cadrage sophistiqué, pas d’instant spectaculaire, juste des ambiances simples qui soulignent la dignité de ceux qui souffrent de la précarité comme cette femme en foulard saisie dans la rue entre deux bâches bleues en guise d’abris de fortune ou cette petite fille qui fait face aux bottes des CRS. Avec élégance, Diane s’efface sans user de virtuosité ni d’effet devant ses sujets afin de ne pas leur confisquer la lumière qu’ils méritent. Diane Grimonet : un œil juste, un cœur pur.
Du 15 mars au 15 mai 2010 à la Galerie Fait & Cause, 48, rue Quincampoix Paris IVe, M° Les Halles, du mardi au samedi de 13h30 à 18h30 sauf jours fériés, entrée libre

PERSONAL BEST elliott erwitt

Une locomotive dans le Wyoming qui crache la fumée sur sa voie ferrée en faisant la course avec une auto en 1954, un rétroviseur indiscret qui surprend le baiser d’un couple près d’une plage de californie en 1955, une Grace Kelly à couper le souffle qui s’avance dans les salons de l’hotel Walldorf Astoria à New-York en 1956, un pigeon qui hésite à atterrir à contrejour sur une rue pavée d’Orléans en 1955, voici quelques uns des clichés qu’Elliott Erwitt présente à la MEP en ce moment : Personal best, soit le meilleur de lui-même. Que du bonheur ! Pour cet américain, né à Paris, fils d’un immigré russe, parrainé par Robert Capa à Magnum, tout en photographie est subordonné à l’instant. L’œil en coin, ironique et surtout perspicace, il observe ses contemporains avec poésie et nous délivre à travers ses images un traité sur la condition humaine parfois drôle, émouvant mais toujours tendre. Il a d’ailleurs une conception assez large de l’humanité puisqu’il y inclut volontiers la race canine, qu’il photographie au ras du sol avec cocasserie en revendiquant crânement que « les chiens sont comme les gens avec des poils en plus ». Quelques photos historiques, comme le face à face de Nixon et Kroutchev ou celle de l’homme noir qui se désaltère devant le robinet dédié à ces frères de couleur à deux pas d’un autre robinet réservé aux blancs dans une Caroline du Nord ségrégationniste des années 50 sont là pour nous rappeler qu’Erwitt, si il a toujours pris le temps de pratiquer la photographie en amateur, a été un des professionnels les plus reconnus et les recherchés de sa génération sans jamais galvauder sa passion. Elliot Erwitt a traversé son leica en bandoulière en noir et blanc la seconde moité du XXe siècle avec en guise de conclusion la photo couleur d’un couple présidentiel en tenue de bal devant leurs supporters brandissant leurs smartphones pour les immortaliser, un soir d’investiture de janvier 2009. Ce soir-là, pour Michele et Barack Obama, l’eau des robinets de la Caroline du Nord a, semble-t-il, beaucoup coulé sous les ponts. A ne pas rater.
Du 3 février au 4 avril 2010 de 11h à 20h du mercredi au dimanche à l’exception des jours féries, à la Maison Européenne de la Photographie 5/7, rue de Fourcy Paris IVe M° Saint-Paul tél. 01.44.78.75.00 6,50€ (tarif réduit 3,50€) http://www.mep-fr.org

NOIR VERTICAL jean-christophe béchet

Jean-Christophe Béchet, rédacteur en chef de Réponses Photo, ne se contente pas seulement de commenter les photos des autres, il en produit aussi. Flâneur apparemment impénitent, il déambule léger dans des rues crépusculaires de Paris, de Lisbonne, de Bénares ou d’ailleurs à la recherche d’impressions visuelles, d’instants opportuns où des silhouettes humaines traversent des décors découpés par des ombres profondes cadrés tout en verticalité. Dans un monde maîtrisé et géométrisé où il a dû certainement beaucoup se perdre, il cueille les hasards de la rue, de la vie. Tout en feeling, il pratique une photographie sensitive ici en noir et blanc, en couleur dans Climat édité dans un cahier élégant. Si une photo est réussie quand elle a su transmettre l’émotion qui l’a fait naître alors Jean-Christophe Béchet a produit de bien belles choses.
Du 18 mars au 17 avril 2010, du mardi au samedi de 14h à 19h à la Galerie PHOTO4 4, rue Bonaparte Paris VIe, tél. 01.43.54.23.03. M° Saint-Germain-des-près.